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Accès aux études de santé (exemple d'actualité)

La réforme du premier cycle des études de santé sera déployée à partir de la rentrée universitaire 2020. Elle ouvre la voie à plusieurs parcours d’accès aux formations de médecine, pharmacie, odontologie et de maïeutique. Décryptage sur ces changements et leurs impacts avec le professeur Jean Luc Pellegrin, directeur du collège santé à l’université de Bordeaux.

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Quels sont les véritables enjeux de cette réforme ?

Jean Luc Pellegrin : En proposant aux étudiant plusieurs voies d’entrée aux études de santé, cette réforme répond à quatre objectifs. Le premier est la diversification des profils sociaux, scolaires et académiques des étudiants souhaitant accéder aux carrières médicales. Aujourd’hui, environ 80% des étudiants de PACES correspondent au profil attendu (Bac scientifique avec mention). Désormais, des profils plus divers auront une chance d’intégrer les études de santé. C’est à mon sens très positif.

Le deuxième objectif est complémentaire : favoriser un parcours de réussite pour tous les étudiants, grâce à une orientation progressive avec des modules de formation communs à plusieurs filières. Ainsi on évite le gâchis pour les bons (voire très bons…) élèves engagés dans une préparation exigeante qui échouent malgré tout au concours, parfois 2 ou 3 années de suite… et à l’issue desquelles ils n’ont que le bac en poche.

Avec cette réforme, les étudiants du Parcours d’accès spécifique santé (PASS) ne pourront plus redoubler. Ceux qui valident leur année mais échouent au concours seront réorientés en 2e année de Licence et pourront recandidater ou poursuivre vers un master.

Afin d’atteindre ces deux objectifs, un troisième était nécessaire : intégrer les études de santé dans le schéma général de l’offre de formation de premier cycle (Licence) en cohérence avec la stratégie de formation de l’université  et avec la réforme du lycée. Ce cadre commun permet aux étudiants qui opteront pour la Licence accès santé (LAS) de moduler et d’individualiser leurs parcours, d’acquérir des compétences transverses tout en prenant le temps de bien se préparer aux études de santé, et en cas d’échec, d’envisager sereinement une orientation différente.

Le quatrième objectif concerne la régulation du nombre de professionnels de santé en fonction des capacités de formation et des besoins des territoires. Il s’agit du fameux numerus clausus. Dès la rentrée 2020, chaque université déterminera, en lien avec l’Agence régionale de santé concernée, le nombre d’étudiants qu’elle admet dans chaque filière de santé. Chaque établissement répartira les places entre les différentes voies d’accès. Cependant, nos capacités d’accueil étant proche de notre numerus clausus, le nombre total de professionnels de santé formés restera sensiblement le même.

L’avantage majeur est la possibilité de poursuite d'études

Jean-Luc Pellegrin
Directeur du collège santé à l’université de Bordeaux

Concrètement, quels sont les bénéfices pour les étudiants ?

JLP : L’avantage majeur est la possibilité de poursuite d'études permettant d’une part d’éviter le gâchis et d’autre part de diversifier les profils. Psychologiquement, c’est important pour tous. 

Il y a deux types d’étudiants. Les déterminés, les fonceurs, les rapides, ceux que j’appelle les sprinters de fond. Ils choisiront plutôt le PASS. Pour les meilleurs d’entre eux, cette réforme ne change rien. En revanche, ceux qui échoueront aux épreuves d’admission des études de santé obtiendront tout de même une première année de licence (versus rien dans l’ancien système) et une seconde chance d’accéder aux études de santé. C’est un avantage considérable. L’autre catégorie d’étudiants, les sprinters de demi-fond, pourront choisir l’option LAS, avec un rythme plus souple. Ces profils sont davantage polyvalents et très intéressants.

Par exemple, un jeune peut faire une LAS philosophie et à la fin de sa 3e année présenter les épreuves d’admission de médecine car il veut devenir psychiatre. Idem pour un étudiant qui choisit de faire du droit pour basculer en pharmacie et travailler dans l’industrie du médicament, etc.

In fine, ces études restent tout aussi exigeantes et sélectives. Les modalités de concours (QCM) ne changent pas. Ceux qui les intègreront en 3e année devront même travailler plus pour rattraper les unités d'enseignement (UE) qu’ils n’auront pas passées et qui pour autant sont fondamentales pour l’exercice de leur future profession. A chacun de choisir habilement la combinaison des matières (majeures/mineures) en fonction des filières d’études de santé qu’il voudra présenter. Ce n’est pas simple. La pression est la même, elle devient progressive.

Le cadre de la réforme permet à chaque établissement de proposer des solutions adaptées. Comment s’est opérée la mise en œuvre à l’université de Bordeaux ?

JLP : Généralement, la mise en place d’une telle réforme est complexe à organiser. Il faut des moyens humains, matériels et financiers supplémentaires et nous attendons encore la notification du Ministère sur ce point. L’organisation des emplois du temps, des travaux pratiques et dirigés, du tutorat et des examens est compliquée pour l’ensemble des formations et des facultés impactées. 

A l’université de Bordeaux, nous avons six LAS : droit, économie gestion, biologie, chimie, psychologie et Staps, auxquelles s’ajoute une LAS philosophie avec l’université Bordeaux Montaigne, ainsi que deux LAS en biologie et physique chimie à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. S'il y avait déjà des mouvements d’étudiants entre la PACES et certaines de ces filières, cette réforme va générer des flux plus important dans les facultés dont les moyens ne sont pas suffisants pour les accueillir. C’est problématique.

Les étudiants bordelais du PASS et des LAS ont également accès aux sciences de la réadaptation (ergothérapie, pédicurie-podologie, psychomotricité, masso-kinésithérapie) ce qui n’est pas le cas dans toutes les universités. Cette singularité demande une bonne coordination avec l’Institut universitaire des sciences de la réadaptation.

A savoir

Les arrêtés concernant la suppression de la Première année commune aux études de santé (PACES) et les nouvelles modalités d'accès aux études de santé ont été publiés en novembre 2019, un an après les annonces du président de la République dans le cadre du plan Ma Santé 2022, selon lequel « la volonté de diversifier les voies d'accès aux filières de santé en mettant fin à la PACES et au numerus clausus, tous deux représentatifs d'un système d'admission basé sur une sélection drastique écartant de nombreux candidats pourtant prometteurs, répond aux attentes des étudiants, des personnes soignées et de la société dans son ensemble ».